Une illustration à partir du superbe texte écrit par Pierre-Jean Baranger
« La femme s’affala dans son canapé, précisément là où son corps fatigué creusait, jour après jour, la mousse des coussins. Elle prit la télécommande et alluma le téléviseur, récupéra sur la table basse la bouteille de bière juste ouverte. Elle jeta un œil distrait aux images, un peu indifférente. Du sport ! Et pourquoi pas ?
De toute manière, elle pouvait regarder ce qu’elle voulait comme programme, nul ne contesterait son choix ! Elle était seule, depuis longtemps. Ses enfants étaient partis, son mari aussi. Elle ne se souvenait plus trop dans quel ordre ! Une fatalité, aurait dit sa mère. Elle tendit la main, attrapa la peluche usée qui semblait assise là, tout près d’elle. Elle la fixa comme si, au travers de l’imitation de vivant, pouvait se deviner tant d’histoires passées. Mais ce qui l’intéressait presque de manière brutale, à la mesure d’une soudaine conscience, c’était l’avenir, son avenir, même si elle n’arrivait pas à lui donner à ce jour, une véritable forme. La femme devinait que tout pouvait changer, voilà tout.
Une décision s’imposa, celle d’aller respirer dehors, de quitter ce moulage dans son siège pour trouver le changement qu’elle attendait. Elle s’arracha du canapé, se tint immobile, presque oscillante, comme si quelque chose manquait. Soudain, elle mit la bouteille entre les pattes de l’ancien doudou. Ce dernier se tint coi. Qu’aurait-il pu dire, d’ailleurs ? Qu’il n’aimait pas le sport sur le petit écran et qu’il préférait le diabolo-menthe ? Elle abandonna ce tableau sans regret, d’une peluche regardant la télé, avec une bouteille de bière coincée contre son torse… »