Nouveau défi un peu différent :
Tout d’abord Gwen Larpin a écrit un texte sur lequel j’ai réalisé cette illustration :
voici son texte :
« Le train soufflait sa vapeur haut dans le ciel. Son sifflement s’épanouissait dans les champs de givre, sans mur ni montagne pour le retenir.
Installée bien au chaud dans son compartiment, Jazz regardait défiler le paysage sans vraiment le voir, absorbée par ses pensées.
Elle aimait les trains. Elle ne savait pas pourquoi. Etait-ce le cliquetis régulier de la mécanique ? Ou ce léger mouvement, ce bercement doux comme une caresse ?
Non. C’était la distance entre elle et la réalité. Le train traversant les contrées immobiles, isolant le voyageur du reste du monde.
Le temps était en suspens. On pouvait fermer les yeux “ici”, s’endormir, et se réveiller “là”.
Jazz avait tout le loisir de laisser vagabonder son esprit, reprendre son souffle entre deux quotidiens. Revivre son passé, rêver de l’avenir. La vie ne lui paraissait jamais aussi claire qu’à ces instants.
Jazz aimait les trains. Bien au chaud dans son compartiment, elle ne voyageait pas vers une destination, elle voyageait vers elle-même. »
Ensuite j’ai envoyé l’image à Pierre-jean Baranger sans lui parler du texte, et voici ce qu’il a écrit à partir de l’image
« J’avais toujours redouté les voyages en train, sans doute parce que je n’aimais pas les adieux qui émaillent les gares. Je me rappelais des étreintes brisées à regret, des regards qui n’en finissaient pas d’étendre leur fil jusqu’à l’inéluctable rupture, des mains qui restaient tendues vers celles de celui qui partait ou restait, en mimant une retenue presque muette. Souvent, dans les films, le train se lançait, dans son chuintement métallique, pendant qu’apparaissait le mot « fin » sur l’écran des existences séparées.
Mais aujourd’hui, j’avais franchi le pas, refusant mes larmes. Mon avenir m’attendait, là-bas. Les bras ouverts. Je venais de m’arracher à ce qui me retenais encore à mon enfance, à la manière de ces herbes aquatiques me faisant hurler de peur lorsque je me baignais dans la rivière, près de chez ma grand-mère, lors des grandes vacances. J’avais soufflé sur la vitre à côté de mon siège, dessinant une enfant jouant dans les prés, l’été. J’avais agi spontanément. Témoignage, ou ex-voto. J’avais décidé de faire confiance, de me risquer à vivre, presque indifférent aux divers jugements ou avis contraires qui ne manqueraient pas de m’accompagner dans mon choix.
Le train qui m’emmenait était devenu à la fois complice et ami. Je m’épanouissais déjà. L’aventure avait pour le moment, le goût du miel. »
quel bonheur de s’amuser ainsi